Ils cheminaient à tâtons. Tom Tom, en tête, signalait à ses compagnes les irrégularités du sol et des parois par des jurons vigoureux. Agamoi et Nou Na suivaient, l'une derrière l'autre. De temps à autre, l'un d'entre eux trébuchait, ou dérapait. Ils se heurtaient, se rattrapaient, se soutenaient mutuellement. Sombre, étrange et rampante, cette marche était sans fin. Un vrai cauchemar.

Un siècle s'écoula.

Agamoi s'éveilla la première.Elle cligna des yeux et se remémora la longue marche dans le souterrain. Où étaient-ils ? Au sol, un plancher mal raboté, et qui semblait n'avoir jamais vu de balai. Ses yeux s'accoutumant peu à peu à l'obscurité, elle discerna son frère et leur amie, étendus comme elle à même le sol, dans le coin d'une pièce plutôt exiguë. La princesse se redressa sur ses coudes. Elle aperçut alors un rai de lumière sur un mur, à hauteur d'homme, qui tanguait légèrement. Ce phénomène l'absorba longuement. Finalement, elle se rendormit.

Tom Tom chevauchait, à travers une immense prairie verdoyante. Sa monture poursuivait l'horizon rougeoyant. Il se voyait de dos, de loin, une silhouette noire sur fond de soleil couchant, et un vent de liberté fouettait son visage. Un vieux refrain oublié lui venait aux lèvres. Mais un bruit soudain l'empêchait de chanter. Le bruit se rapprochait, comme des pas. Il se retournait, mais il n'y avait personne, et le bruit s'arrêtait. Soudain, un grincement, et une lumière jaune l'aveuglait. Il détournait les yeux, quelque chose claquait dans son dos, le faisait sursauter. Le bruit reprenait alors, puis s'éloignait, assourdi. Tom Tom se redressa d'un coup, les yeux écarquillés sur l'obscurité revenue, le coeur battant. Avait-il rêvé ? Il tendit l'oreille, mais ne perçut qu'un murmure continu, et quelques craquements, comme le bois d'un vieux plancher, la respiration nocturne d'une maison à la campagne. Des respirations humaines aussi, tout près. Il se souvint du boyau, et au-delà, de la journée ensoleillée qu'il avait passée en compagnie d'Agamoi, le lutin, la rencontre avec Nou Na devant l'étal du boulanger... Tout cela semblait si lointain, si irréel ! Que s'était-il passé ?