ARRRRGGG, me dis-je en mon moi-même. Que faire ? Appeler le lycée, tout de suite ? pour faire patienter les élèves ? mais c'est pas vrai, moi qui avais pourtant réussi cette année à limiter les dégats et qui n'ai pas encore manqué une seule heure, me mettre ainsi bêtement en retard ! Je contemple avec stupeur les trois chiffres sur l'écran : 8-11. Je ne m'arrache pas à cette stupeur, qui vire à la panique (toute petite pointe), avant de se muer en abattement. Voilà, je viens de ruiner les efforts d'une moitié d'année.

Mais en moi quelque chose refuse d'y croire. Je n'ai pas dormi si longtemps. Même si c'est possible, de ne pas savoir combien on a dormi, de se tromper, ce n'est pas possible. En plus, là, c'est trop tard, vraiment trop tard. Même en me levant tout de suite (et je sens bien que je n'aurai jamais la volonté de ce tout de suite), je ne serai jamais à l'heure au lycée. Soit ce n'est pas vrai, mon réveil s'est détraqué dans la nuit, ou autre chose mais il y a une explication et il n'est pas 8h11, soit je suis fichue. Je préfère la première solution !

Pour le coup me voici vraiment réveillée ! Je trouve enfin le courage de me lever pour affronter la réalité, quelle qu'elle soit... Le deuxième réveil, lui, indique 10h10, depuis plusieurs mois, et c'est machinalement que je lui jette un regard. Fenêtre du salon, couleur du ciel... un peu sombre, non, pour l'heure et la saison ? Pendule de la cuisine : 7h13. Ouf. Mais dois-je y croire ? Je n'ose pas me laisser aller au soulagement, il me faut une troisième heure pour départager ces deux-là ! Pourquoi suspecter moins la pendule que le réveil ? J'allume la radio, qui ne me dit pas l'heure. Je croyais que c'était fait pour ça, France Inter ! Je rallume le portable - pour une fois que je l'avais éteint la nuit... - 7h11. Bien. Retour sur terre, on laisse tomber l'adrénaline, et on démarre... sinon... je vais vraiment être en retard aujourd'hui !

Petite explication, surgie des profondeurs de mon cerveau après double passage par l'élément liquide et parfumé (douche et thé) :

Ce matin, je n'ai pas éteint mon réveil comme d'habitude. J'ai appuyé sur une des touches au hasard, et c'était l'une des touches du clavier "calculette", une de celles où il est écrit Honolulu, Hong Kong, New York, Paris, Tokyo, Londres, Sydney ou Bamako (non, c'est pas vrai, il n'y a pas de touche Bamako... je me demande bien pourquoi d'ailleurs), autrement dit... j'ai changé de fuseau horaire, et j'ai mis mon réveil à l'heure de Je ne sais où-les-bains !

Mais un mystère reste insondable : sur quelle touche ai-je appuyé, dans quelle région du globe ai-je transporté mon sommeil, pour ne le décaler que d'une heure ? Car j'ai appuyé sur toutes les touches, j'ai fait le tour du monde, sans retrouver l'heure initiale...