Le vingt-deux était un vendredi, et cette année aussi. Plus qu'un anniversaire, un hebdoversaire en somme !

Nous avons toujours partagé ces anniversaires, entre nous, rien qu'entre nous, d'un mot ou d'un regard, depuis que les fêter, il n'en est plus question. Ni lui ni moi ne regrettons.

Elle est là, désormais, avec sa douceur, sa patience, sa simplicité. Depuis près de trois ans, nous nous sommes apprivoisées, grâce à la délicatesse profonde de l'être qui nous rassemble. Épousée cet été, et bénie par les onze qui furent témoins d'un autre temps, qui faillirent réserver leur date, pour un autre anniversaire, pour un dix-sept manqué. Deux d'entre eux sont venus avec leur petit air tout neuf. Preuve que le temps passe... Moi aussi, bien sûr, moi qui ne pouvais pas ne pas y être, et pourtant. Nous avons chanté, pour eux, nous qui ne croyons pas, nous avons chanté qu'ils s'aimaient, s'aiment et qu'ils s'aimeraient. Avec l'envie d'y croire. Lui qui hait les mariages, le sien fut merveilleux. Et tous nous étions là, tous heureux de se voir.

Que le hasard de leur amour les garde heureux et les préserve.

Bientôt trois ans qu'il n'y a pour moi rien à fêter, si ce n'est le souvenir. Chaque étape est restée sur le calendrier. Le vingt-deux l'hiver, et le dix-sept l'été.

Parfois je me sens fière de l'avoir libéré. Et je le vois agir, et je l'entends parler, je suis fière de lui, comme si depuis onze ans, j'avais veillé sur lui – et lui veillait sur moi.

Celui que j'aime dit de nous : « ils ne le savent pas, mais ils s'aiment. »

Qu'il est doux de s'aimer de cette manière, à la fois proche et quotidienne, et sereine et silencieuse !

Onze ans, j'ai accepté cet amour. Onze ans, j'ai nourri, pétri et maltraité cette tendresse. Onze ans, j'ai croisé entre lui et mes peurs, parfois à la dérive, parfois toutes voiles dehors. Onze ans d'ancrage, onze ans d'une affection profonde et pleine de confiance.

Le vingt-deux était un vendredi.

Nous avions seize ans, et l'émotion nous étreignait. On aurait dit les retrouvailles de deux très vieux amis. Nous nous sommes quittés, mais pas les vieux amis. Le vingt-deux, ça tombe un vendredi. Pour une fois, ce n'est pas moi qui y ai pensé. De sa place en chantant, il m'a souri, comme pour un secret, les yeux pleins d'une joie enfantine. Je n'ai rien dit, souri aussi. Comme pour un secret, léger, léger.

Onze ans nous ont portés, l'un à côté de l'autre, et nos coeurs, où ils s'aiment le mieux.